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  • Philippe

Les échos de Philippe #2

Accompagner dans la durée mon conjoint malade, posté à la juste distance, prendre conscience de ce qui se transforme, voilà ce que je voudrais partager…


Comme Cécile, je suis heureux de te retrouver ami du « chemin de vie ». Tu lis son blog, il fait plus ou moins écho en toi. Je voudrais te remercier d’être un supporter du témoignage de ma femme. Il donne sens et relief à l’épreuve qu’elle traverse avec ce fichu cancer. De mon côté je partage quotidiennement la feuille de route de notre "malade", avec plus ou moins de facilité et de constance, mais je suis là, présent, depuis octobre 2011.


Lors de mes premiers témoignages je t’ai écrit sous le choc de l’annonce du diagnostic initial puis dans unepériode de réorientation de mon regard sur la vie. Maintenant, avec du recul, le temps fait son œuvre, la fourmi Cécile travaille et, les questions vitales éloignées, se pose la question de la synchronisation de nos vies dans cette période à durée indéterminée.



Comment s’organise-t-on pour tenir dans la distance?


Le premier ingrédient dans la maladie est de visualiser et construire l’avenir en le bâtissant sur du neuf. Je suis convaincu que c’est en inscrivant une nouvelle histoire que l’on stimule la multiplication de nouvelles cellules. J’ai l’impression qu’en nous mettant en projet nous créons un nouveau tissu de cellules physiques et psychiques, une nouvelle vitalité du corps énergétique. Concrètement nous avons des projets d’ampleur et d’autres plus modestes mais tous font sens; de notre future maison qui va nous ressembler, à une nouvelle façon de démarrer la journée quand, pour moi, la communication remplace les informations…


Autre ingrédient : retravailler la cellule couple. Refonder le projet ce n’est pas une question d’âge mais d’envie. Cécile en est viscéralement convaincue et m’entraîne positivement dans cette mutation. Nous trouvons ce sens à deux, c’est la chance que nous saisissons.


Du coup qui accompagne qui ?


Comme le disait récemment un ami : "De Cécile ou toi, on peut se demander lequel des deux est le plus malade?". De toute évidence je me soigne en même temps que mon conjoint mais sur un autre plan, celui de la conscience. Notre approche en couple de la maladie nous offre ainsi une possibilité de transformation en tandem, assurément plus en harmonie.


Si le fait d’avoir des projets est essentiel, la nourriture de base au quotidien reste l’attention bienveillante à l’autre.


J’ai aussi saisi la chance de bien comprendre et de suivre le chemin médical de Cécile, d’être présent à chaque étape. J’ai pu comme elle développer l’empathie avec l’oncologue, la radiologue, et avec ses médecins de l’âme. Je ne connais pas tout, mais l’essentiel pour être réellement à ses côtés sur son chemin.


Alors, accompagner dans la distance ? Je me sens comme le « compagnon de cordée ». Quand la voie est facile j’ouvre, j’assiste mais pas plus. Quand elle se durcit il faut que je sois là, prêt. J’aurais pu fuir dans le travail, refuge crédible pour l’homme, j’ai choisi de muter dans une vie de plus grande attention à l’être cher.


Par ailleurs, la bonne posture est celle qui nous rend heureux, celle qui fait sens. Il n’y a aucune leçon à donner, juste témoigner. J’ai seulement un petit conseil utile : N’hésitons pas à nous faire aider nous-même pour être présent à l’autre. L’expérience des autres, la bienveillance, les coups de mains, tout est bon à prendre.



Qu’est-ce qui m’est difficile ?


Au milieu des nombreuses contraintes imposées par la maladie, la perte d’autonomie de l’être malade me semble la plus lourde. Voir Cécile privée de sa liberté de travailler, d’aller et venir, est délicat pour moi. Sa perte d’énergie soudaine est une épreuve pour le « bien portant » que je suis. Certains jours, dans les moments de grande fatigue, c’est comme si nous prenions un gros « coup de vieux » ; énergie et rythme des anciens. Ensemble et pour elle, ralentir le pas, s’organiser pour sa sieste, écourter les dîners et soirées, être à côté de sa fatigue sans la porter… pas simple pour le bélier bondissant que je suis!


Il nous a fallu réinventer des rythmes et y trouver du plaisir tout en laissant place aux aléas.


Enfin ce qui m’est encore malaisé, c’est d’accepter la pudeur transgressée par ce blog qui met au regard quasi public une vie intime, la sienne, la nôtre. Pourtant force est de constater que le culot de Cécile quand elle s’exprime, est finalement beaucoup plus salutaire pour notre couple que le silence.



Qu’est-ce qui est joyeux ?


Notre chemin m’amène par son intensité et sa durée à rejoindre « l'Être ». L'action jaillissante d’hier fait place au jaillissement de l'être. C'est l’apport inattendu et positifde la maladie pour celles et ceux qui veulent et peuvent l’appréhender.


Perdre en qualité de vie active pour être dans une vie de qualité, plus sensible, écoutante, paisible. Devenir plus complices sans être fusionnels.


Au fond j'ai beaucoup de chance car Cécile est une battante qui est entrée dès le premier coup de gong du diagnostic avec l'orientation nette du "chemin de guérison". Elle m'a embarqué, elle nous a embarqués avec les enfants puis plus largement vous tous, dans l'attraction de la «rage» de guérir. Nous apprenons que le sens de la maladie n'est pas dans ce qui s'explique mais dans ce qui est appelé à se transformer, sans tricher, vite et pour longtemps.



Pour conclure si Cécile est seule à porter sa maladie, nous pouvons cheminer ensemble, en couple. C’est être au rendez-vous de notre consentement de mariage, un chemin de foi, tout simplement…



Auparavant cette phrase m’interpellait : « Il est urgent d’aimer ! ».


Aujourd’hui je choisis d’écrire et d’habiter celle-ci, un peu plus douce : « Je prends le temps d’aimer ici et maintenant avec plus de consistance ; chaque jour est offert ».



Philippe.

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(Pour les commentaires écrits avant décembre 2015: les dates d'origine n'ont pas pu être reportées)

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