Deux polarités de mon mois d’avril… La joie du printemps adoucit le bilan.
Cette semaine notre fils a passé un entretien dans le but d’une intégration universitaire. Vous en connaissez peut-être les étapes, l’une d’elle consiste pour chaque jeune à passer devant un jury, plus ou moins nombreux, plus ou moins accueillant, titillant, fatigué, curieux, bienveillant.
Voici le moment qu’il a vécu, et m'a raconté quelques jours plus tard :
- Que fait ta maman ?
- Avant elle était psychologue mais maintenant, elle ne travaille plus.
- Oh, maintenant elle s’occupe de ses petits enfants chéris, c’est mignon (le ton est moqueur)
- Non, non, pas du tout
- Elle fait quoi ?
- Elle se soigne.
L’examinateur, gêné, s’excuse un peu et devient plus conciliant.
Ce type de dialogue est courant. Moi-même je le vis régulièrement. Dès que je dis ma maladie, les personnes deviennent soit plus attentionnées, soit d’un coup plus distantes. Je m’en amuse souvent et même, je l’avoue, j’en profite afin de me faciliter la vie quand la compassion de l’autre prend le dessus.
Est-ce de la compassion pour le soi-disant « combat » que je mène ? Je ne sais, mais même s’il y a de bons et moins bons « combats », en ce qui me concerne, n’oubliez jamais : Je ne me bats pas, je vis.
Oui, je vis.
Je fais ce que je peux afin que ce cancer quitte mon corps, mais je ne me sens pas en combat, je suis dans la vie et espère y rester.
Cette vie, c’est vrai, me demande beaucoup de ressources, une grande force de caractère, une abondance d’amour… mais point de combat style guerre.
J’observe de très près mon corps, mes énergies. Depuis 4ans ½, j’avance avec lui, je lui fais confiance, je tente de répondre à ses besoins, j’en appelle et en découvre de nouveaux. Je cherche à regarder le vivant et à recycler ce qui meurt.
Oui, j’apprends un mieux vivre et aussi un mieux mourir. Les deux vont de pair.
J’apprivoise le mystère de la vie. Par exemple, ce mois-ci à certains moments, durant plusieurs heures ou jours, mon corps était épuisé, le physique douloureux, le moral dans les chaussettes, que dis-je, sous les chaussures et puis, incroyable, en moins d’une heure et je ne sais par quels merveilleux mécanismes, mon corps s’animait à nouveau, comme si « on » en avait changé les piles, le moral revenait, la vie était tout à fait là. Je vous assure, notre corps est surprenant.
Ou encore, quand la semaine dernière mon bilan médical a conclu une légère mais réelle progression du cancer, et cela malgré les traitements, j’en fus la première surprise. C’est certes une pilule très difficile à avaler et si je suis à la fois effondrée, je constate aussi qu’à certains endroits je vais mieux, je mange mieux, je marche mieux.
Oui, notre corps est surprenant et je vais tenter de continuer à me laisser émerveiller, dans la mesure du possible. Mon moral et mon goût pour la vie en seront renforcés.
Je voudrais en profiter pour vous évoquer un sujet qui me tient à cœur.
Bien-sûr, il ne vous concerne probablement pas mais c’est une attitude que j’ai parfois rencontrée dans l’environnement des malades que j’ai suivis, ou même, de temps en temps, dans le mien. En fait, j’ai envie de dire haut et fort : vis-à-vis d’un malade, restons honnête, ne forçons rien, le malade n’a pas de temps à perdre et il préfère, comme avec vous dans ce blog, une vie en vérité qu’une rencontre, un message, qui « fait semblant ».
Parfois j’entends, ou je lis, que vous n’osez pas m’écrire…
Sachez-le, si c’est par pudeur, point besoin de mots ou de grandes phrases pour dire votre tendresse ou votre peur car tout grand malade ressent très vite l’intention de celui qui se manifeste. Même dans votre silence, il ressent, dans son cœur, vos intentions visibles ou invisibles… Il sait, par exemple, si votre intérêt est doux, plein d’amour pour la joie comme pour la peine, pour le courage comme pour la lassitude ou si au contraire votre peur, votre curiosité mal placée, votre besoin de faire selon vous, et non selon lui, vont le fatiguer.
Alors, vous, qui dans le silence ou non de vos mots, sentez que votre cœur vibre de vie avec moi, continuez à me visualiser dans la vie et recevez toute ma joie car alors le Souffle de Vie s’active en moi et Il vous inonde aussi.
Je t’embrasse lectrice, lecteur.
Prenons soin de la vie en nous. De la mystérieuse vie qui vibre et chante.
Cécile