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Cécile en septembre 2014 #32


Lima



Ce mois-ci, je retarde le moment de vous écrire car je rechigne à avouer ma baisse de moral. Attention je n’évoque ni déprime ni dépression, seulement des « coups de déprime ». Vous les partager me demande de lâcher beaucoup de pudeur. De plus, j’ai peur que mon humeur soit contagieuse pour mes compagnes, compagnons de parcours santé. Est-ce le cas ? Au bout du compte, ayant toujours voulu être honnête avec vous, voici comme chaque mois ma news écrite, autant que possible, en vérité.



Tout d’abord, rassurons-nous, début de mois mon état général est bon. Le Professeur parisien, rencontré le 11 septembre, m’a plutôt ouvert une fenêtre que fermé une porte… Notre vie dans un nouvel appartement se passe bien. Les enfants vont bien.

Chaque jour je me réjouis de pouvoir être si bien soignée.



Alors que se passe-t-il ?


Tout d’abord, avec de bonnes ou mauvaises raisons, nous avons tous le droit (le besoin ?) de ne pas toujours être « au top », de fatiguer, de paniquer, de lâcher prise… de regarder seulement les épines des roses.


Ensuite, mon rendez-vous à Paris m’a beaucoup stressée, c’est peu de le dire. Je me suis demandé : le Professeur va-t-il regarder mon dossier avec dans le regard : ma pauvre dame, on ne peut rien faire pour vous… ou mais pourquoi n’êtes-vous pas venue plus tôt, maintenant il est trop tard… ou encore : voilà la suite (pour vos traitements) et ça va être très éprouvant. Et si un petit coin de moi pensait aussi : « peut-être a-t-il une solution miracle » j’avais quand même peur, peur d’être déçue, rejetée?


Mon mari et moi portions des inquiétudes légitimes en arrivant à Paris. Heureusement mon oncologue m’avait dit « appelez moi dès que vous le pouvez pour me raconter votre entretien». Par cette phrase toute simple, elle me disait (sans probablement s’en rendre compte) « quoi qu’il arrive, je suis encore là pour vous, je ne vous en veux pas d’aller à Paris, moi aussi je me demande ce que LE spécialiste français, de réputation internationale, va dire de votre « dossier » et donc, va exprimer de mon travail avec vous… »


Nous avons rencontré un homme très humain, mon dossier déjà étalé sur son bureau, l’ordinateur ouvert à mon nom. J’étais attendue : ouf ! Première détente.


Suffisamment doué pour tout comprendre à demi-mots, il me pose peu de questions et m’observe de son regard en coin. Il veut probablement savoir qui je suis (personnalité, environnement, soutiens, état général) avant de me proposer son choix de traitement. Il commence par me demander « comment allez-vous madame? Parlez moi de vous » puis par poser des constats comme : je n’ai jamais vu un tel type de cancer, je connais la famille de votre cancer mais pas ce cancer. Il ajoute : vous réagissez incroyablement bien aux traitements.


Au passage, je perçois le bravo à mon oncologue qui a eu l’intuition de la bonne façon de me traiter et confirme que tout ce que je fais, en plus de la médecine allopathique, est très utile. Il observe mon hypertension portale, la taille des nodules. Mon mari voit combien il cherche une solution possible pour moi et après une bonne demi-heure d’échange, il conclut : « ce soir, on va discuter de vous en réunion. Je vous tiens au courant ». Dès le lendemain il tient parole et m’appelle pour me proposer ma feuille de route. Elle commence par une série d’examens afin de tester la possibilité d’une chimio ciblée et seulement ensuite, on discutera peut-être d’une possible opération… me dit-il, voilà une fenêtre qui s’entre-ouvre.


Vous vous en doutez, je reste prudente. J’ai toujours entendu que je ne suis pas opérable alors pourquoi le deviendrais-je ? Le Professeur m’a répondu : « ici, nous sommes spécialisés, nos chirurgiens font des miracles… ». Une amie m’a rappelé que Dieu a besoin des hommes pour faire ses miracles... alors qui sait ? Et avec vous tous qui œuvrez dans ce sens, qui le demandez pour moi, il va peut -être finir par arriver !


C’est une position très inconfortable de ne pas savoir si on peut se réjouir ou si on a encore plus peur. Je me sens seule, peu de personnes comprennent cette ambivalence et peuvent m’y rejoindre. Alors que mon environnement se réjouit de cette ouverture, mes coups de déprime de début de mois reviennent. Mon corps pleure des larmes que je n’ose sortir. A ce moment là peut-être monte-t-il en pression provoquant ce qui va suivre 3 jours plus tard… ?



Effectivement, soudainement, un samedi après midi mes varices œsophagiennes se remettent à saigner. Direction les urgences du CHR où je vais passer 3 jours avant un transfert à la clinique où mon oncologue me suit. J’y reste 5 autres jours. Bilan, en 8 jours : 3 interventions dont 2 sous anesthésie générale, 2 poches de sang transfusé. Une immense fatigue générale et la déprime qui continue donc à pointer régulièrement son nez. Heureusement Philippe veille.


Je suis une personne « à haut risque » me dit-on aux urgences, oh comme cette phrase m’alourdit ! Je vis cette semaine comme un funambule sur son fil, tomber à droite, à gauche ou arriver à la plate forme d’en face ? C’est quoi cette vie ? Je n’en veux pas !



Vais-je me laisser envahir par l’inquiétude ou prendre le temps de me rappeler :


- Une belle lumière sur la route : au moment de recevoir les poches de sang, je remercie à haute voix, mes donneurs (vous peut-être ?) : « merci pour votre sang, vous avez pris de votre précieux temps pour moi, pour nous les malades, merci. Je me mets en alliance avec vous afin que nos sangs se mêlent et s’associent au mieux pour l’amour de la vie ». L’infirmière surprise me dit « en 15 ans de carrière vous êtes la première à remercier les donneurs ! » Je lui réponds : « oh, les autres le font certainement dans le secret de leur cœur, moi je suis une grande bavarde ! » mais son sourire me fait plaisir.


- Un grand courage sous forme de détresse. Lors de ma première nuit à la clinique, il m’a fallu reconnaître ma vulnérabilité et demander aux infirmières de nuit, de passer me voir avant la fin du fameux « tour ». J’ai besoin de dormir vite, leur ai-je dit… sèchement, elles m’ont dit « attendez votre tour, la dernière du couloir ». Accrochée à mon pied de perfusion, je me suis assise dans le couloir, près d’elles, toute recroquevillée avec quelques sanglots de fatigue qui s’échappent. Imaginez la scène, avec du recul, c’est drôle ! Merci à elles qui finalement se sont adoucies. Merci aussi au médecin de garde de ma semaine là-bas, une femme qui m’a beaucoup écoutée et suivie de près. Merci à ses enfants de tant nous la prêter.


- Mon petit cadeau de la semaine s’appelle Lima, a 24 ans (cf. photo), étudie en 6ème année de médecine. Elle fut ma compagne de chambre d’urgence. Renversée par une voiture alors que, piéton, elle se dirige vers le métro. Lima a toujours gardé le sourire, la délicatesse, la douceur, l’espoir… même quand son état s’est un peu compliqué.

Petite cerise sur le gâteau, comme moi elle n’aime pas la télévision et se couchait tôt en prévision des multiples réveils nocturnes en service d’urgence… Merci Lima, je te dédie cette news, tu es espérance et positivisme.


- Mon grand cadeau fut l’arrivée de notre aînée qui a pu se libérer de son engagement humanitaire pendant une semaine. Après 8 mois d’absence, elle a pu vérifier comment « maman va bien» !?... Avec son frère et ses sœurs, leur père, ils se sont relayés durant mon hospitalisation pour me faire rire, pleurer d’amour, chanter le courage qui revient.



Alors, déprime ou joie de vivre ? Il me semble surtout passage en 3 étapes, toutes aussi importantes les unes que les autres : mourir, ressusciter, vivre… mourir, ressusciter, vivre … cercle vertueux à répéter jour après jour.


Et si ces mots vous font peur, voici la phrase d’un médecin lecteur du blog * :


« Une personne guérie n'est pas une personne revenue à la case départ (comme voudraient nous le faire croire nos études de médecine) mais une personne nouvelle qui a connu un déséquilibre avant de parvenir à un équilibre nouveau plus satisfaisant pour elle-même et malheureusement pas toujours stable » Xavier Cuvillier.


A bientôt cher Lecteur, tu m’es précieux, pour tes proches aussi et plus que tu ne le crois. Gratitude.


Avec toute ma tendresse,


Cécile



* Retrouvez la passionnante et complète lettre du Dr Cuvillier dans la rubrique "Mots des medecins"

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