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  • Un médecin que je ne connais pas, Xavier Cuvillier

Réponse d'un lecteur de mon blog, à la lettre écrite en décembre 2013



Bonjour Cécile, bonjour Philippe,


Tout d'abord merci infiniment de tous vos témoignages, de leur précision, tantôt tranchante et glaciale comme savent le transcrire, les porteurs de maladies graves, tantôt réconfortante mais toujours décapante, émouvante de sincérité et d'honnêteté.



Oui, merci à vous et merci aussi à Philippe qui vous accompagne et a accepté de rentrer dans cette grande machine à laver qu'est ce blog. On y entre, on y tourne, on se cogne, on y prend des coups ; on entre dans une intimité qui n'est pas la notre mais qui va le devenir, qui pourrait nous croire voyeur mais qui nous implique trop pour qu'on en reste là sans se laisser emporter dedans en entier et enfin lâcher prise nous-mêmes, lâcher nos certitudes, ces faux remparts en qui nous avons tant confiance et qui se fendillent ou se dérobent à la moindre turbulence.


Finalement à travers ce blog, vous nous permettez de faire notre propre chemin à nous qui ne connaissons pas grand chose à ces grandes turbulences de la vie et par là-même les appréhendons terriblement sitôt qu'on essaie d'y réfléchir.


Votre travail à vous toute seule est déjà énorme, mais la complicité-dualité avec votre mari rend ce blog encore plus large et permet de nous toucher tous, au plus profond de nous-mêmes, car si nous ne sommes pas tous malade ou que nous ne nous sentions pas tel, nous sommes tous plus ou moins le compagnon ou l'accompagnateur d'un moins fortuné que nous. Et comme j'ai pu le lire quelque part dans votre blog, mais qui est le malade ? Qui accompagne qui ? Et l'on pourrait continuer, c'est quoi la maladie ? C'est quoi la guérison ?


Etant moi même médecin, je vais y rentrer et réagir par la porte qui me parait la plus facile : « la lettre aux médecins et aux autres ».


Quelle émotion et quelle peine en lisant cette lettre. Bien souvent nous pensons faire bien et nous faisons mal ou pas bien ; et quand nous faisons mal, quel mal nous faisons ! Jamais nous ne pourrons l'imaginer. Sauf le jour où nous passerons de l'autre coté de la barrière !

Quel dommage que nous n'ayons pas la formation institutionnelle (la fac) pour pouvoir faire bien ou au moins pas trop mal sans attendre d'être soi-même le principal concerné. Mais surtout quel dommage que nous ayons si peu, nous les médecins, le goût de nous former par nous-mêmes à ce genre de difficultés que sont l'annonce d’un diagnostic, le suivi des patients dans des situations difficiles. Il est pourtant évident pour tout le monde aujourd'hui (mais assez peu pour nous les médecins), qu'il ne suffit pas de savoir quelque chose pour savoir automatiquement comment le communiquer et faire passer au mieux le message. C'est encore plus évident quand le message est compliqué et encore plus lorsqu'il est chargé d'affectif. Or d'affectif, l'annonce ou le suivi de la maladie en est rempli puisque même sans empathie aucune de la part du médecin (ce qui je l'espère est tout de même peu fréquent) l'un et l'autre seront bousculés par le discours et les réactions de l'autre. Le patient par le médecin, le médecin par le patient ou son entourage.


L'empathie ne suffit donc pas, loin s'en faut. Une formation est indispensable. Et non pas une formation pour apprendre des recettes de cuisine de la bonne communication (ce qui en soit serait déjà un bon début) mais une formation sur soi, pour se connaitre mieux. Pour connaître ses forces, ses satisfactions, ses motivations mais aussi ses faiblesses, ses propres lignes de fractures, ses peurs, ses trous noirs, ses ambiguïtés, ses incohérences qui ressurgissent toutes lorsque l'émotion nous gagne et rend le discours confus, ou alors cassant lorsque les digues de notre protection résistent.


Et c'est là que votre blog devient une mine d'informations pour le médecin et l'homme que je suis ; de bonne volonté mais imparfait, incomplet, bousculé par des horaires, pressuré par les "bonnes conduites" qui fait de la médecine un grand marché du prêt-à-porter là où elle devrait être du "sur-mesure permanent" ou par la jurisprudence qui nous rend craintif, prudent et toujours sur la défensive...


Votre blog et toutes ses réactions montrent combien la médecine n'est pas un commerce comme on voudrait nous le faire croire avec ses recettes, ses permis et ses interdits mais bien une affaire d'individu à individu, chacun d'eux "global et entier" et non pas d'un pur esprit désincarné (le médecin) vers un corps (le patient). Le médecin n'étant là que comme sachant et distributeur de traitement envers un corps, sorti de la norme puisque malade et totalement dépourvu d'esprit et de culture ou pourvu d'un esprit mais sans intérêt pour soigner ce corps.


La vision holistique dont vous parlez me paraît capitale pour cheminer et non pas guérir au sens où nous l'entendons tous mais qui est impossible. Une personne guérie n'est en effet pas une personne revenue à la case départ (comme voudraient nous le faire croire nos études de médecine) mais une personne nouvelle qui a connu un déséquilibre avant de parvenir à un équilibre nouveau plus satisfaisant pour elle-même et malheureusement pas toujours stable. Elle a vécu des douleurs, des incertitudes, des angoisses, des joies, des déceptions, des espoirs que vous décrivez si bien et qui ne peuvent pas ne pas laisser de traces pour vous, et grâce à votre blog à tous ceux qui vous lisent.


C'est dommage qu'il faille toujours de grands bouleversements pour arriver à sortir de soi-même et donner le meilleur de soi. Et c'est ce que vous faites au travers de votre blog où vous vous donnez totalement. Là où l'on pense que vous devriez recevoir, c'est vous qui donnez et qui nous remuez dans nos certitudes, dans notre univers fermé de notre soi-disant bonne santé. Vous faîtes sauter les cloisons que nous avons tendance à ériger si facilement, surtout lorsque ça ne va pas. Vous nous montrez que tout va mieux lorsqu'on ouvre les fenêtres, qu'on parle, qu'on échange. Finalement qu'on est plus fort à plusieurs lorsqu'on partage en vrai, sans frime, sans esbroufe et en confiance. Et même peut-être pas forcément toujours en confiance puisque votre blog est ouvert et que vous ne connaissez pas tous vos interlocuteurs. Finalement vous donnez. Vous donnez sans compter et sans connaître les cibles et c'est sans doute ça qui vous libère et nous permettra à nous de comprendre des choses que nous n'aurions jamais pu comprendre ni même imaginer.


Merci, grâce à vous je trouve de bonnes raisons pour continuer à réfléchir sans attendre qu'advienne les moments difficiles et de travailler sur moi pour mieux me connaitre et être le plus à l'écoute possible de mes patients. Je voudrais également essayer à mon tour d'arriver à donner sans forcément étudier la cible.


En vous écrivant, il me revient une petite phrase lue récemment que je souhaite poser là : "la souffrance n'a pas de sens mais elle donne un sens à ce que nous pouvons devenir dans la maladie".


Xavier Cuvillier

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(Pour les commentaires écrits avant décembre 2015: les dates d'origine n'ont pas pu être reportées)

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